« Pour cette cinquième année d’expositions de photos sur l’Olivier, la commission chargée du choix du thème avait retenu celui des « cabanons associés à l’arbre emblématique du nyonsais et des baronnies provençales. » Il était tout à fait normal que ces petites bâtisses – qui furent pour la plupart des contemporaines de l’établissement des vergers – eussent l’honneur de figurer un jour dans cette exposition qui met en valeur ces petits bâtiments lovés dans des vergers parfois plus que centenaires.
Cabane, cabanon, grange, grangeon… des noms bien familiers dans notre région et qui ont aussi, pour nous, des significations bien précises. La cabane sera toujours chez nous quelque chose de très modeste, réalisée avec les moyens que nous offre la nature, branchages divers et autres, elle sera l’œuvre des gamins à la recherche d’un coin tranquille où leur imagination les emmènera à la rencontre de leurs héros préférés de bandes dessinées ou du dernier film d’action du type « Indiana Jones« .
(photo : Un cabanon sur les bords de la Bordette)
Le cabanon, lui, est bien plus robuste. Il est réalisé en maçonnerie, il est muni d’une porte et bien souvent d’une fenêtre, son toit couvert de tuiles du pays peut avoir une ou deux pentes. Celui qui l’a construit l’a fait pour améliorer ses conditions de travail à une époque où la vie aux champs était toute autre que de nos jours. On partait tôt le matin de la maison, parfois accompagné de sa mule et on rentrait tard le soir après une rude journée passée dans les vergers. Il servait d’abri en cas de pluies et il permettait de s’y retirer le temps d’une pause pour se restaurer à l’abri du soleil ou des intempéries et même parfois d’y faire une bonne sieste.
Mais voilà, les choses ont depuis longtemps changées. Les méthodes de travail, les moyens et les outils utilisés ne sont plus les mêmes. La mule a été mise à l’écurie, l’araire sert de décoration à côté des « colliers de tire » et du « renard », tandis que la vieille « canadienne » finit ses jours en rouillant au fond du ravin.
De nos jours les tracteurs équipés de toutes sortes d’outillages facilitent grandement le travail de l’oliveraie. Grace au pulvérisateur le traitement d’un verger est réalisé en peu de temps alors que dans le passé il fallait parfois compter plusieurs heures ou parfois la journée avec la sulfateuse à dos nécessitant plusieurs rechargements en eau et en produits de traitement.
Cette évolution rapide a eu pour effet la mise au « rancart » du cabanon. On n’en a plus l’utilité. Avec son tracteur l’oléiculteur rentrera à l’heure pour déjeuner chez lui. Il mettra les pieds sous la table, mangera chaud et pourra faire la sieste allongé sur un confortable canapé.
Pendant ce temps notre cabanon abandonné s’est longtemps posé des questions : « Comment se fait-il qu’il m’abandonne ? Il ne rentre même plus pour me visiter, il me néglige jusqu’à oublier de tirer la porte… Une tuile est tombée, une autre s’est envolée lors de la dernière tempête et l’eau s’infiltre dans mes entrailles. Qu’attend t-il pour réparer ? Je reçois en revanche beaucoup de visiteurs qui me sont étrangers. Il y a peu, un couple pressé, descendu rapidement de leurs voitures est venu me rendre visite. Je n’oserai pas vous répéter les mots entendus. Une autre fois ce fut un « barrule » et ses chiens qui ont passé plusieurs nuits dans mon abri. Ils arrivaient le soir, à la nuit tombée et me quittaient dès le lever du jour. De quoi avaient-ils peur ? Une autre fois, c’est un de ces nouveaux artistes qui est venu me dessiner sur la porte quelque chose que vous nommez « Tag », et je n’ai pas encore compris ce qu’il avait voulu me dire. Et que dire de ce fada qui est venu me déshabiller en emportant les portes de mon placard mural et ma rustique plaque de cheminée ? Au secours ! Je crie, au secours ! De grâce mes amis sauvez moi, sauvez nous de notre triste sort ! Nous sommes comme vos oliviers, des parties intégrantes du paysage, sans nous nos campagnes ne seront plus les mêmes, prenez le temps de venir nous visiter et si le hasard fait que vous rencontriez mon propriétaire tâchez de le persuader de se pencher sur mon sort, j’en vaux la peine, je vous le rendrai au centuple ! »
Nous remercions la municipalité de la Ville de Nyons et son Maire Pierre Combes, attachés à l’Olivier et à tous ses symboles, les techniciens qui ont participé à la mise au point et à la mise en place de l’exposition, les photographes tous majoraux, Claire, André et Didier pour ces magnifiques photographies, le comité de sélection des vues et vous tous amoureux et fidèles de l’arbre d’Athéna. »
Christian Bartheye
Grand Maître de la Confrérie des Chevaliers de l’Olivier de Nyons